Contrôle et investigations

Afin d’assurer un établissement et une perception exacts de l’impôt, l’administration fiscale dispose d’une série de compétences légales en matière d’investigation et de contrôle (art. 333 CIR).

Contrôle et investigations

1. Généralités

Ces pouvoirs peuvent être exercés à l’égard du contribuable lui-même, de tiers ou d’organismes, établissements et services publics, qui sont, sous réserve du secret professionnel ou bancaire, tenus de collaborer.

Précisions a. L’administration peut procéder à des investigations (et à l’établissement éventuel de suppléments d’impôts) même lorsque l’enrôlement et le paiement de l’impôt ont déjà eu lieu (art. 333, al. 1 CIR).

b. Les agents de l’administration sont tenus par le secret professionnel, en dehors de l’exercice de leur fonction, en ce qui concerne tout ce dont ils ont eu connaissance dans le cadre de leurs investigations (art. 337, al. 1 CIR). Le secret professionnel ne s’applique pas lorsque les agents agissent dans l’exercice de leur fonction (Anvers, 14.05.2013). Les agents sont en outre autorisés à transmettre ces informations aux autres services administratifs de l’État, pour autant qu’elles leur soient nécessaires pour assurer leur mission (art. 337, al. 2 CIR).

c. Les informations recueillies par l’administration lors de l’examen des livres ou documents ou suite à une demande de renseignements peuvent être invoquées pour l’imposition de tiers (art. 317 CIR).

d. L’administration doit utiliser ses pouvoirs d’investigation de manière ciblée, c’est-à-dire avec la finalité pour laquelle ils lui ont été accordés. Si ce n’est pas le cas, les données et informations obtenues sont inutilisables. La jurisprudence (Bruxelles, 21.05.2019 et 14.05.2019) a ainsi rejeté des preuves obtenues au sujet d’une société X, car celles-ci avaient été obtenues lors d’un contrôle sur place portant sur une société Y (les deux sociétés ayant le même administrateur).

e. La consultation de la banque de données Belfirst ne constitue pas une investigation au sens de cette disposition (Cass., 12.02.2016).

2. Délais

L’administration peut procéder aux investigations, sans notification préalable, dans le courant de la période imposable et dans un délai de trois ans à dater du 1er janvier de l’année qui désigne l’exercice d’imposition pour lequel l’impôt est dû (art. 333, al. 2 CIR). En cas de non-déclaration ou de déclaration tardive, ce délai est prolongé d’un an, ce qui le porte donc à quatre ans (art. 354, §1, al. 2 CIR).

Précisions a. Pour les sociétés qui tiennent leur comptabilité autrement que par année civile, le délai de trois ans est prolongé de la même période que celle qui s’est écoulée entre le 1er janvier de l’exercice d’imposition et la date de clôture de l’exercice comptable au cours de cette même année (art. 354, al. 1 CIR).

b. Le contrôle sur les pertes antérieures reportées peut être, dans certaines situations, effectué en dehors des délais prévus par la loi. L’administration conserve en effet le droit de contester la réalité et le montant des pertes professionnelles antérieures déduites des bénéfices d’une période imposable, même si, pour un exercice antérieur, elle avait admis l’existence desdites pertes (Cass., 12.09.1991 ; CC, 20.11.2008).

Le délai de contrôle ordinaire de trois ou quatre ans est prolongé dans les cas suivants :

Délai

Description

Source

Six ans

Certaines déclarations comportant un aspect international. Plus précisément, il s’agit des déclarations :

  • où l’on doit déposer un dossier local ou un rapport pays par pays sur les prix de transfert ;
  • auxquelles on doit joindre un formulaire 275F pour les paiements vers les paradis fiscaux ;
  • au précompte mobilier assorties d’une dispense, d’une renonciation ou d’une réduction fondée sur une convention préventive de la double imposition ou sur les directives européennes «intérêts / royalties» ou «mères / filiales» ;
  • comportant une quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) ;
  • pour lesquelles des informations sont reçues à l’étranger concernant des constructions transfrontalières ou des informations provenant d’exploitants de plateformes, pour des montants atteignant au moins 25 000 € pour un contribuable donné.

art. 354, §1, al. 3 CIR

Dix ans

Déclarations complexes. Plus précisément, il s’agit de déclarations :

  • concernant un dispositif hybride (hybrid mismatch) ;
  • avec des bénéfices non distribués provenant d’une (série de) construction artificielle ;
  • IPP devant mentionner une construction juridique dans un autre État.

art. 354, §1, al. 4 CIR

Dix ans1

En cas de fraude.

art. 354, §2 CIR

  1. Le fisc doit procéder à la notification de ses «indices» de fraude et de son intention d’appliquer le délai pour fraude de dix ans (art. 333, al. 3 CIR).

3. Pouvoirs d’investigation

a. Obligations du contribuable

Lorsque cela est requis par l’administration, tout contribuable a l’obligation de lui communiquer (sans déplacement) en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables (y compris ceux détenus sous forme informatique, sur un disque dur ou dans le « cloud » (art. 315bis CIR)). Si ces livres et documents sont disponibles au format numérique, l’administration peut également demander aux contribuables concernés qu’ils fournissent aussi les documents demandés via une plateforme électronique sécurisée du SPF Finance (art. 315bis, al. 4 CIR).

Précisions a. Le droit de rétention ne concerne en principe que les livres clôturés. L’admi­nistra­tion est toutefois en droit d’emporter des copies de livres non clôturés (Ci.RH. 831/633.817, 27.06.2014).

b. L’administration est autorisée à exiger des copies des livres et documents détenus sous forme informatique (art. 315bis, al. 3 CIR). Celles-ci peuvent être conservées par l’administration (Ci. RH. 81/470.318, 07.05.1998). Le contribuable est également tenu d’effectuer les traitements informatiques jugés nécessaires à la détermination de ses revenus imposables.

c. Le fait que le texte légal dispose que les livres et documents soient communiqués à l’administration sans déplacement n’empêche pas cette dernière d’inviter le contribuable à communiquer ses livres et documents « avec déplacement ». Toutefois, le refus de celui-ci d’apporter les livres et documents demandés au service de contrôle, ne peut avoir d’incidence sur le traitement ultérieur du dossier (QP n° 885, Didden, 06.05.1997).

d. Sont soumis aux mêmes obligations que le contribuable lui-même, les tiers auxquels il est fait appel pour tenir, établir ou conserver les livres et documents, au moyen de systèmes informatisés (art. 323bis CIR).

Livres et documents : Il s’agit de tous ceux dont l’usage est obligatoire (en ce compris les registres des actions et obligations nominatives et feuilles de présence aux assemblées générales), tous les documents comptables (c’est-à-dire les documents ayant servi à tenir les livres), tous les autres documents de nature à permettre la détermination des revenus imposables du contribuable ou de tiers (Com. IR 315/2 ; Ci.RH. 831/633.817, 27.06.2014).

Précisions a. Les livres et documents doivent en principe être conservés au siège où se trouve la direction principale, ou là où sont gérés les intérêts de l’entreprise. Moyennant autorisation préalable, ils peuvent aussi être conservés chez un tiers (p.ex. un comptable) (art. 315, al. 3 CIR).

b. Sont également visés : les documents relatifs à des comptes à l’étranger ou à des assurances-vie individuelles étrangères, et ceux qui concernent le bénéficiaire de ces constructions juridiques (Ci.RH. 831/633.817, 27.06.2014).

c. Les extraits de comptes bancaires purement privés ne doivent en principe pas être présentés.

d. Les pièces qui ne font pas partie de la comptabilité mais qui peuvent éclairer l’organisa­tion et la structure de l’entreprise, ainsi que la manière dont la comptabilité est tenue, doivent aussi être présentées (il s’agit p.ex. d’extraits de compte, de schémas relatifs à l’organisation et à la répartition des compétences, etc.).

Les livres et documents doivent être conservés à la disposition de l’administration jusqu’à l’expiration de la septième année ou du septième exercice comptable qui suit la période imposable à laquelle ils se rapportent (art. 315, al. 3 CIR).

Précisions a. Les factures d’investissements doivent être conservées jusqu’à sept ans après la dernière année d’amortissement.

b. La comptabilité de l’année durant laquelle une perte a été enregistrée doit être conservée tant que la déclaration mentionnant la perte est encore susceptible d’être contrôlée.

Les agents de l’administration ont le droit de retenir les livres et documents, qui doivent être communiqués, s’ils estiment que ceux-ci sont nécessaires pour déterminer le montant des revenus imposables du contribuable ou des tiers (art. 315ter CIR ; circ. AGFisc 26/2014, n° 12, 27.06.2014).

Les livres et documents ne peuvent être conservés au bureau que pour la durée normale de la vérification et doivent être rendus au contribuable au moment où un avis de rectification, basé sur ces livres et documents, lui est adressé (doc. parl. Ch., 53, n° 3236/001, p. 17).

Précision : La rétention des documents fait l’objet d’un procès-verbal de rétention dont une copie est délivrée au contribuable dans les cinq jours ouvrables qui suivent celui de la rétention. Le procès-verbal reprend les circonstances ayant conduit à la rétention des documents (Ci.RH. 831/633.817, 27.06.2014).

À défaut pour le contribuable de respecter ses obligations, l’administration peut procéder à la taxation d’office et/ou appliquer une amende administrative.

Lorsque cela est requis par l’administra­tion, tout contribuable a l’obligation de lui fournir, par écrit, tous les renseig­nements qui lui sont réclamés aux fins de vérifier sa situation fiscale, dans le mois, à compter du troisième jour ouvrable suivant la date d’envoi de la demande (art. 316 CIR).

À défaut pour le contribuable de respecter ses obligations, les sanctions sont celles prévues en cas de défaut de communication des livres et documents (R 160).

L’administration doit en principe demander ces renseignements au moyen d’une « demande de renseignements » officielle (formulaire 332), mais, en pratique, ces demandes sont aussi régulièrement envoyées de manière officieuse (p.ex. par e-mail). Le contribuable n’est alors pas obligé d’y répondre (Trib. Louvain, 17.02.2017).

Précisions a. Le délai de réponse d’un mois peut, sur demande motivée du contribuable, être prolongé (seulement en cas de maladie grave, d’absence de longue durée, lorsqu’un délai supérieur à un mois est nécessaire pour fournir les informations demandées ou en cas de force majeure) (Com. IR 316/11-12).

b. Un contribuable ne peut invoquer le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination face aux enquêteurs de l’administration, tant qu’il n’est pas clairement suspecté d’une infraction, et l’administration fiscale peut, jusqu’à ce moment, lui infliger des sanctions, même fiscales, en cas d’obstacle mis à l’exercice par cette dernière de ses pouvoirs légaux de contrôle et de surveillance (Liège, 03.12.2008). En revanche, si, après avoir procédé à une notification d’indices de fraude, l’administration adresse une demande de renseignements au contribuable, ce dernier peut invoquer son droit au silence et n’est pas tenu de fournir les renseignements demandés destinés à étayer cette fraude (Trib. Liège, 26.01.2012).

c. Ces questions peuvent aussi porter sur la vie privée du contribuable (p.ex. dans le cas d’une estimation indiciaire) (Cass., 04.01.2007).

d. L’administration accepte en principe les réponses par fax ou par e-mail.

L’administration dispose également du droit de demander des renseignements oraux, mais le contribuable n’est alors pas obligé d’y répondre (art. 316 CIR).

Précision : L’administration peut poser des questions au contribuable sur place (p.ex. suite à l’examen des documents comptables), mais elle peut aussi l’inviter à lui fournir des renseig­nements en son bureau (Com. IR 316/4).

Les contribuables sont tenues d’accorder aux agents de l’administration, munis de leur commission, le libre accès, à toutes les heures où une activité s’y exerce, à (art. 319 CIR) :

  • leurs locaux professionnels ;
  • tous les autres locaux où des activités sont effectuées ou présumées être effectuées (notamment les chantiers, lieux de livraisons des biens, locaux ou terrains mis temporairement à la disposition du contribuable, etc. (Com. IR 319/10) (pour les bâtiments et locaux habités : de cinq heures du matin à neuf heures du soir et moyennant autorisation préalable du juge de police).

Précisions a. C’est au contribuable qui invoque une violation de l’art. 319 CIR qu’il incombe d’en apporter la preuve (Liège, 24.02.2012).

b. Pendant une visite, les fonctionnaires peuvent prendre des photos des locaux profes­sionnels, sans pour autant porter atteinte à la vie privée des personnes concernées (QP, 11.07.2005).

c. Un contrôle sur place n’est pas illégal lorsque le contribuable a autorisé formellement les fonctionnaires à visiter les locaux alors qu’ils n’étaient pas munis de leur commission (Cass., 17.02.2005). Toutefois, s’ il n’est pas établi par l’administration fiscale que l’agent était titulaire et muni d’une commission au moment des visites domiciliaires, les investigations menées lors de ces visites ne peuvent servir de fondement aux procédures de rectification (Mons, 09.09.2015).

d. L’administration est en droit d’examiner des documents se trouvant dans des armoires ou tiroirs fermés, ou dans des poubelles/corbeilles à papier, de fouiller dans des boîtes au sol et des piles de papier sur des bureaux et même dans un réfrigérateur lors d’une visite des locaux professionnels, sans avoir à demander l’autorisation du contribuable au préalable (Cass., 06.10.2023).

e. L’autorisation du juge de police de pénétrer dans des locaux privés ne signifie pas que les inspecteurs peuvent pénétrer dans ces locaux sans le consentement préalable et permanent du contribuable (Cass., 16.06.2023). Si le contribuable s’oppose à la visite fiscale dès l’arrivée des agents du fisc, ces derniers ne peuvent pas utiliser la contrainte pour procéder à la visite. Si le contribuable donne son accord au début mais le retire en cours (au cours de la visite), les fonctionnaires doivent immédiatement interrompre leur visite. Le contribuable peut refuser ou retirer son consentement, mais cela doit être motivé (par exemple, si le contrôleur se rend coupable d’un excès de pouvoir ou d’une ingérence disproportionnée dans les affaires privées). Les inspecteurs doivent alors interrompre leur visite, mais peuvent infliger une amende pour refus (art. 445 du CIR et art. 70 CTVA). En outre, l’administration peut demander au juge d’imposer une astreinte au contribuable tant que celui-ci persiste dans son refus (art. 381 CIR).

Ce droit de visite est octroyé à l’administration afin de permettre à ses agents :

  • de se rendre compte de la nature et de l’importance de l’activité du contribuable d’après ses stocks et les moyens de production et de transport qu’elle utilise ;
  • d’examiner les livres et documents qui se trouvent dans les locaux profes­sionnels (même si la production de ces livres et documents n’a pas été préalablement demandée) (doc. parl. Ch., 52, n° 2521/001, p. 7-8) ;
  • de vérifier la fiabilité des informations données et traitements informatiques.

À défaut pour le contribuable de respecter ses obligations, l’administration est en droit d’appliquer les sanctions suivantes :

  • majoration d’impôts (art. 444 CIR) ;
  • amende administrative (art. 445 CIR) ;
  • sanction pénale (en cas d’infraction avec intention frauduleuse ou à dessein de nuire) (art. 449 CIR) ;
  • imposition d’office.

b. Obligations des tiers

Afin d’assurer la juste perception de l’impôt d’un contribuable déterminé, l’administration est dotée de pouvoirs d’investigation envers les tiers, à savoir le droit de (art. 322-326  CIR) :

  • rassembler des renseignements : ceci implique qu’elle peut recueillir auprès de tiers des attestations écrites et exiger qu’ils lui fournissent tous renseignements qu’elle juge nécessaire, indépendamment du fait que cette personne soit ou non propriétaire des données demandées (Com. IR 322/2) ;
  • procéder à des enquêtes et entendre des tiers ;
  • requérir la production par des tiers, pour tout ou partie de leurs opérations ou activités à caractère lucratif ou professionnel (Com. IR 323/2), de renseignements portant sur toute personne ou ensemble de personnes (même non nominativement désignées) avec qui elles ont été directement ou indirectement en relation en raison de ces opérations ou activités.

À défaut de se conformer à leurs obligations, les tiers peuvent se voir appliquer une amende administrative.

Précision : Le délai de réponse à une demande de renseignements adressée à des tiers est déterminé par l’administration. Il doit être raisonnable et peut être prolongé sur la base de raisons valables.

Depuis le 1er janvier 2021, les con­seillers fiscaux (intermédiaires) sont obligés de déclarer leurs dispositifs trans­frontières de planification fiscale qui présentent un risque d’évasion fiscale ou d’abus (dir. 2018/822, 25.05.2018, DAC 6 ; art. 326/1-326/11 CIR ; FAQ, 15.06.2020).

Pour qu’il soit question de risque d’évasion fiscale ou d’abus, le dispositif doit présenter au moins une des caractéristiques suivantes (art. 326/1 CIR) :

  • tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction ;
  • au moins un participant au dispositif est résident à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément ;
  • au moins un participant au dispositif exerce une activité dans une autre juridiction ;
  • un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l’échange automatique d’informa­tions ou sur l’identification des bénéficiaires effectifs.

Précisions a. Le terme dispositif doit être interprété de manière large. Il s’agit p.ex. de (i) la restructuration d’une entreprise, (ii) de la fusion, absorption, scission d’une entreprise, (iii) de la conclusion d’un contrat, etc.

b. Ne sont pas considérés comme un dispositif : les déplacements quotidiens dans le cadre d’une activité commerciale normale (par exemple, les transactions financières ou les opérations commerciales entre un établissement stable et l’établissement principal) ; (ii) la simple application d’un régime fiscal national (par exemple, l’application de la déduction pour innovation ou de la déduction RDT).

c. Par intermédiaire, on vise en premier lieu toute personne qui conçoit, offre, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre (première catégorie). On vise en outre toute personne qui fournit une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation de certains dispositifs (deuxième catégorie). Il s’agit p.ex. de réviseurs, notaires, conseillers financiers (art. 326/1, 4° CIR).

d. Si l’intermédiaire est une personne morale qui engage des travailleurs, la responsabilité de l’intermédiaire ne sera pas supportée par ces travailleurs dans la mesure où ceux-ci n’exercent pas une fonction de management.

e. Si plusieurs intermédiaires sont concernés par le même dispositif transfrontalier devant faire l’objet d’une déclaration, tous les intermédiaires concernés doivent fournir des informations sur le dispositif transfrontalier devant faire l’objet d’une déclaration (art. 326/6 WIB).

f. Il n’y a pas d’obligation de déclaration si un intermédiaire peut invoquer le secret professionnel. Un avocat agissant en tant qu’intermédiaire et invoquant le secret professionnel ne peut être tenu d’informer un autre intermédiaire - qui n’est pas son client - de ses obligations de déclaration (CJUE, 8 décembre 2022, C-694/20).

g. Il ne peut pas y avoir de demande de préfiling auprès de la Commission de ruling pour déterminer si le dispositif doit être déclaré.

h. Cette obligation de déclaration a un effet rétroactif (partiel). Depuis le 1er janvier 2021, il faut aussi déclarer les dispositifs dont la première étape a été implémentée à partir du 25.06.2018.

La directive prévoit une large gamme d’informations à rapporter. Cela comprend entre autres :

  • l’identification des parties et des intermédiaires concernés ;
  • un résumé et la valeur de la construction ;
  • la date de l’implémentation (future).

Précision : L’intermédiaire auquel incombe cette obligation (où le contribuable concerné) n’a aucune obligation de recherche sur ce point. Il suffit de fournir les données requises que l’on possède (p.ex. sur base de la législation existante).

Les intermédiaires de la première catégorie doivent déclarer le dispositif dans les 30 jours :

  • à compter du lendemain de sa mise à disposition aux fins de mise en œuvre ;
  • à compter du lendemain du jour où il est prêt à être mis en œuvre ;
  • commençant lorsque la première étape de sa mise en œuvre a été accomplie.

Les intermédiaires de la deuxième catégorie doivent remplir l’obligation de déclaration dans les 30 jours, commençant le lendemain du jour où ils ont fourni une aide, une assistance ou des conseils.

Pour les dispositifs commercialisables, il suffit d’établir un rapport périodique tous les trois mois avec un aperçu des nouvelles informations qui sont devenues disponibles depuis la transmission du dernier rapport.

Précision Par dispositif commercialisable, on vise un dispositif transfrontière qui est conçu, commercialisé, prêt à être mis en œuvre, ou mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, sans avoir besoin d’être adapté de façon importante (art. 1, dir. 2018/822, 25.05.2018).

En cas d’informations incomplètes, une amende de 1 250 à 12 500 € sera due. En cas de retard ou d’absence de rapport, l’amende sera comprise entre 5 000 et 50 000 €. Si ces infractions sont commises avec une intention frauduleuse ou dans l’intention de causer des dommages, les amendes applicables passent res­pec­tive­ment à 2 500 - 25 000 €, et 12 500 - 100 000 €.

Toutes les institutions financières pouvant se prévaloir du secret bancaire dans leurs relations avec le fisc (rapport au Roi, AR 17.07.2013) sont tenues de communiquer, une fois par an, au point de contact central des données bancaires (PCC, tenu par la BNB) (art. 322,  §3 CIR ; AR 17.07.2013) :

  • l’identité de leurs clients ;
  • les numéros des comptes et contrats de ces derniers ;
  • les soldes bancaires au 30.06 et 31.12.

Les renseignements ainsi récoltés sont conservés pendant dix ans avant d’être supprimés.

L’administration adresse les demandes de consultation à la BNB qui effectue elle-même les recherches.

Des informations détaillées sur le fonctionnement du PCC (fonctionnaires autorisés à l’utiliser, conditions pour la consultation, données disponibles, modalités de con­sultation, utilisation des données reçues, etc.) sont disponibles dans la loi du 08.07.2018, MB 16.07.2018.

Précisions a. On entend par « compte » tout compte bancaire ouvert en Belgique qui permet au client d’une institution financière d’effectuer des retraits ou des versements en espèces, d’effectuer des paiements en faveur de tiers ou de recevoir des paiements d’ordre de tiers (art. 1, 4° AR 17.07.2013) et par « contrat » principalement les contrats de prêt (art. 1, 5° AR 17.07.2013), à l’exclusion des contrats d’assurance.

b. Les comptes bancaires étrangers doivent être notifiés par les titulaires du compte, au plus tard à la date à laquelle ils introduisent leur déclaration à l’impôt des personnes physiques (art. 307, §1, al. 2 CIR).

c. Depuis le 1er janvier 2020, les compagnies d’assurance belges et étrangères doivent fournir des informations sur les contrats d’assurance des Branches 21, 23, 25 et 26.

c. Obligations des services, établissements et organismes publics

Ils sont tenus, lorsque cela est requis par l’administration, de fournir tout renseigne­ment en leur possession, de lui communiquer (sans déplacement) tous actes, pièces, registres et documents qu’ils détiennent et de lui laisser prendre tous renseignements, copies ou extraits jugés nécessaires pour assurer l’établissement de l’impôt (art. 327, 329 et 333 CIR).

Précisions a. Par services, établissements et organismes publics, on entend les services admini­stratifs de l’État, y compris les parquets et les greffes des Cours et de toutes les juridic­tions, les administrations des Communautés, des Régions, des provinces, des agglomé­rations, des fédérations de communes et des communes, ainsi que les établissements et organismes publics.

b. Les actes, pièces, registres, documents et renseignements relatifs à des procédures judiciaires ne peuvent être communiqués ou copiés sans l’autorisation expresse du ministère public (art. 327, §1, al. 2 CIR).

d. Collaboration administrative

Il est prévu diverses mesures assurant une étroite collaboration entre les différentes administrations du Service public fédéral Finances (art. 335-336 CIR) :

  • communication des données entre administrations (art. 335, al. 1 CIR) : tout agent du SPF Finances est tenu de communiquer aux agents (de toute autre administration) dudit Service, tous les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs dont il dispose, en vue de l’établissement ou du recouvrement de n’importe quel impôt établi par l’État. Cette communication peut avoir lieu de manière spontanée, automatique ou sur demande (doc. parl. Ch., 52, n° 2278/001, p. 84) ;
  • extension du pouvoir d’investigation à tous types d’impôts (art. 335, al. 2 CIR) : tout agent du SPF Finances, régulièrement chargé d’effectuer un contrôle ou une enquête, peut effectuer des recherches afin de recueillir les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs qui contribuent à assurer l’établissement ou le recouvrement de n’importe quel autre impôt que celui pour lequel son administration est compétente (exemple : un agent régulièrement chargé d’effectuer un contrôle en matière d’impôt sur les revenus peut inviter le Receveur de l’enregistrement à collecter des renseignements concernant la valeur vénale d’un bien) (Com. IR 335/3) ;
  • utilisation globale des informations (art. 336 CIR) : l’administration fiscale peut invoquer tout renseignement, pièce, procès-verbal ou acte découvert ou obtenu par un agent du SPF Finances dans l’exercice de ses fonctions, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un service, établissement ou organisme public pour la recherche de toute somme due en vertu des lois d’impôts.

Pouvoirs d’investigation à l’étranger : Il est prévu un système coopération en matière d’échange d’informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne des États membres relative aux impôts sur les revenus. L’échange d’informations se fait (art. 338 CIR) :

  • sur requête d’un État membre (art. 338, §4-5 CIR) : l’échange d’informations doit avoir lieu dans les délais fixés ;
  • spontanément (art. 338, §7-8 CIR) : l’autorité compétente belge peut, lorsqu’elle le juge opportun, fournir sans demande préalable les informations dont elle a connaissance aux autorités compétentes des autres États membres ;
  • de manière automatique (art. 338, §6 CIR) : l’autorité compétente belge doit fournir à l’État membre de résidence d’un non-résident en Belgique les informations disponi­bles au sujet des catégories de revenus et de capital suivantes : rémunérations des travailleurs et dirigeants d’entreprise, produits d’assurance sur la vie (non couverts par d’autres instruments juridiques communautaires concernant l’échange d’informations), pensions, propriété et revenus des biens immobiliers.

Précision : La norme de « pertinence vraisemblable » a pour but d’assurer un échange d’informations le plus large possible, tout en indiquant qu’il n’est pas loisible aux États membres de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable (doc. parl. Ch., 53, n° 2905/001, p. 9).

 Les conventions préventives de la double imposition conclues par la Belgique prévoient le plus souvent un système d’échange d’information, inspiré du système prévu par l’art. 26 de la Convention-modèle OCDE.

En plus des mécanismes décrits ci-dessus, la Belgique a conclu divers accords prévoyant une collaboration administrative très étroite en matière d’échange de renseignements relatifs à l’impôt sur les revenus.

4. Limites aux pouvoirs d’investigation

a. Secret professionnel

Certaines professions sont tenues au secret professionnel. Cela signifie que les personnes qui les exercent ne peuvent pas révéler ce qu’elles ont appris dans le cadre de l’exercice de leur activité professionnelle (art. 334 CIR).

Il y a lieu d’en distinguer la portée selon que le détenteur du secret professionnel est le contribuable qui fait l’objet de l’investigation ou un tiers qui est interrogé dans le cadre d’une investigation portant sur un autre contribuable (patient, client, etc.).

Le secret professionnel ne peut être invoqué par le contribuable lui-même pour se soustraire à ses obligations fiscales, mais il peut être invoqué de manière limitée pour protéger des données tombant sous le coup du secret profes­sionnel.

Précisions a. Cela a donné lieu à différentes décisions de jurisprudence. Ainsi, il a été jugé qu’un avocat est tenu de présenter ses dossiers et extraits bancaires du compte tiers au fisc, même si la suppression des noms de ses clients prend beaucoup de temps (Gand, 15.06.2010). Dans une autre affaire, on a considéré qu’un dentiste n’est pas obligé de présenter ses fiches de patient, car on ne peut attendre de lui qu’il rende tous les noms illisibles (Bruxelles, 01.06.2011).

b. Le contribuable doit invoquer son secret professionnel dès les premières tentatives d’investigation et non après avoir communiqué les informations demandées (Liège, 13.09.2013).

Lorsque l’administration s’adresse à un tiers pour obtenir des renseignements au sujet d’un contribuable qui est l’objet d’investigations, le tiers est en droit d’invoquer le secret professionnel pour refuser de communiquer les renseignements demandés lorsque ceux-ci sont protégés par ce secret.

Si le secret professionnel est invoqué par le contribuable ou le tiers, l’administration peut solliciter l’intervention de l’autorité disciplinaire compétente (bâtonnier, Chambre des notaires, etc.) pour vérifier si et dans quelle mesure la demande de renseignements se concilie avec le respect du secret professionnel. Il n’existe aucune possibilité de recours contre la décision de l’autorité disciplinaire qui ne peut donc être attaquée devant le juge fiscal (Cass., 19.10.2012).

Précision Lorsque les personnes tenues au secret professionnel ne dépendent d’aucune autorité disciplinaire habilitée à donner un avis sur la question, l’administration doit prendre elle-même attitude en s’inspirant de la doctrine et la jurisprudence (Com. IR 334/9).

b. Secret bancaire

 L’administration n’est en principe pas autorisée à recueillir des renseignements auprès des établissements financiers en vue de l’imposi­tion de leurs clients (art. 318 CIR).

Le secret bancaire ne s’applique qu’à l’égard des clients (et pas à l’égard des tiers), de sorte que les établissements financiers ne peuvent pas refuser de donner les renseignements dont ils disposent concernant d’autres contribuables (par exemple des renseignements relatifs à des fournitures de biens et de services à ces établissements, à des paiements aux membres du personnel ou du conseil d’administration pour leurs prestations au sein ou au profit de l’établissement) (Com. IR 317/7).

Précisions a. On entend par établissements financiers les établissements de banque, de change, de crédit et d’épargne en général (et pas uniquement les établissements dont les activités consistent à recevoir des sommes en dépôt ou à accorder un crédit pour leur propre compte), qu’ils soient publics ou privés (Com. IR 318/3), y compris les entreprises qui exercent une activité de leasing financier (Cass., 16.03.2007).

b. Le secret bancaire ne vaut pas à l’égard de la vente par une société de leasing d’un véhicule qui a été auparavant l’objet d’un contrat de leasing, à une personne autre que le preneur en leasing, même si l’option d’achat est cédée à cette personne par le preneur en leasing avec l’accord du donneur en leasing. En effet, le tiers qui reprend l’option d’achat ne devient pas preneur en leasing et ne bénéficie d’aucun financement de la part de la société de leasing (Cass., 15.10.2009). En revanche, l’administration n’est pas en droit d’interroger la société de leasing sur l’acheteur de la voiture, dans le but d’imposer le preneur du leasing. Celui-ci est en effet protégé par le secret bancaire (Cass., 22.05.2014 ; Cass., 15.10.2015).

c. Les clients d’un établissement financier sont toutes les personnes (physiques ou morales) qui lui achètent des biens ou utilisent ses services contre rémunération ou gratuitement. Sont notamment visés les personnes qui : sont titulaires d’un compte de dépôt ou d’un livret d’épargne ordinaire ou d’un compte à terme auprès de banques, de caisses d’épargne ou d’entreprises de capitalisation ; souscrivent des fonds publics ou autres, achètent, vendent ou escomptent des titres, donnent des titres en dépôt, perçoivent des coupons, louent un coffre, achètent des lingots d’or ou des monnaies, bénéficient d’une ouverture de crédit ou se font octroyer un crédit ; obtiennent un prêt d’une société de crédit ; vendent ou achètent des titres ou des valeurs par l’intermédiaire d’agents de change ou leur confient la garde d’un portefeuille ; obtiennent un prêt de sociétés de financement de ventes à tempérament ou font usage de leurs offres de financement (Com. IR 318/5-6).

Point de contact central des données bancaires : La portée du secret bancaire est limitée par l’existence de cette base de données, tenue par la Banque nationale de Belgique (BNB), qui contient tous vos numéros de comptes nationaux et étrangers et certains contrats financiers, par exemple les prêts hypothécaires et les contrats d’assurance-vie. Depuis le 01.01.2022, les banques communiquent également au PCC les soldes des comptes au 30.06 et au 31.12.

Lorsqu’une enquête fiscale révèle des indices de fraude fiscale, le fisc peut consulter le PCC, et éventuellement lever le secret bancaire (art. 322, § 3, al. 4 et § 2, al. 2 CIR). Toutefois, il doit d’abord demander les renseignements au contribuable lui-même, en indiquant clairement dans cette demande qu’il peut violer le secret bancaire en cas de refus (art. 322, § 2, al. 3, 1° CIR).

Le secret bancaire peut être levé dans certains cas spécifiques.

Si des éléments concrets permettant de présumer l’existence ou la préparation d’un mécanisme de fraude ont été relevés lors du contrôle d’un établissement financier (Ci.RH. 81/616.308, 05.03.2012), l’administration peut relever dans ses comptes, livres et documents les renseignements nécessaires à l’établissement de l’impôt de ses clients (art. 318, al. 2 CIR).

En cas d’indice de fraude ou lorsque l’administration envisage de procéder à une taxation indiciaire, les établissements financiers sont assimilés à des tiers et soumis aux mêmes obligations (art. 322, §2 CIR).

L’administration ne peut s’adresser à l’établissement financier, moyennant notification préalable au contribuable (art. 3331, §1, al. 1 CIR), qu’après avoir envoyé une demande de renseignements au contribuable et en l’absence de réponse à celle-ci (ou en cas de réponse incomplète) (Com. IR 322/17-18 ; Ci. RH. 81/616.308, 05.03.2012).

Précision L’obligation de notification préalable ne s’applique pas aux demandes de renseignements provenant d’un État avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition ou une convention d’échange de renseignements en matière fiscale, ou qui participe avec la Belgique à un autre instrument juridique conclu bilatéralement ou multilatéralement, pour autant que cette convention, cet accord ou cet instrument juridique permette l’échange de renseignements en matière fiscale entre les États contractants (art. 3331, §1, al. 4 CIR).

 En cas de réclamation, l’administration peut s’adresser aux établisse­ments financiers afin de recueillir tout renseignement qu’elle juge utile (art. 374 CIR), étant entendu que les renseignements demandés doivent être en relation avec l’instruction de la réclamation elle-même (Com. IR 374/10-11).

Dans certaines circonstances, un établissement financier ne peut se retrancher derrière le secret bancaire pour refuser de communiquer à l’administration les renseignements demandés par un État étranger (art. 322, §4 CIR). La Cour con­sti­tutionnelle a jugé que la demande de renseignement à l’établissement financier doit se faire moyennant notification par l’administration au contribuable concerné (CC, 16.05.2013).

B. Moyens de preuve

1. Généralités

Une présomption d’exactitude s’attache à la déclaration fiscale, de sorte que c’est en principe sur cette base que l’administration fiscale établit l’impôt (art. 339, al. 1 CIR).

Elle n’est toutefois pas tenue de prendre pour base de l’impôt les revenus et les autres éléments déclarés par le contribuable lorsqu’elle les reconnaît inexacts, à charge pour elle d’apporter la preuve de tout autre revenu non déclaré qu’elle souhaite imposer (Cass., 25.01.1993).

L’administration peut, pour établir l’existence et le montant de la dette d’impôt, avoir recours à tous les moyens de preuve admis par le droit commun à l’exception du serment (art. 340, al. 1 CIR), à savoir :

  • la preuve écrite : l’administration peut se baser sur des écrits émanant du contri­buable ou en sa possession, notamment les comptes annuels des sociétés et les procès-verbaux des agents du SPF Finances ;
  • la preuve par témoins : l’administration peut procéder à l’audition de témoins dans le cadre de ses investigations et utiliser les déclarations faites à cette occasion (art. 325-326 CIR) ;
  • l’aveu : l’aveu est la reconnaissance par le contribuable d’un fait allégué contre elle. La déclaration fiscale et toutes déclarations ultérieures (verbales ou écrites) du contribuable peuvent être invoquées contre lui à titre d’aveu (Com. IR 340/70) ;
  • les présomptions (art. 340 CIR) : il s’agit des présomptions de l’homme et des présomptions légales.

Précisions a. Les procès-verbaux des agents du SPF Finances sont les actes dans lesquels ces derniers consignent leurs recherches, les renseignements obtenus, les constatations matérielles de certains faits et les déclarations obtenues (Com. IR 340/79). Ils ont force probante, jusqu’à preuve du contraire (art. 340, al. 2 CIR).

b. Les données et documents enregistrés, conservés ou reproduits par l’administration selon un procédé photographique, optique, électronique ou par toute autre technique de l’informatique ou de la télématique, ainsi que leur représentation sur un support lisible, ont force probante (art. 3391 CIR).

c. À défaut de dispositions dérogatoires dans la loi fiscale, on se réfère au droit commun de la preuve (Com. IR 340/55).

Preuve obtenue illégalement : il s’agit des preuves dont l’obtention est entachée d’un élément contraire :

  • à une disposition légale matérielle (p.ex. : preuve obtenue dans le cadre d’un vol) ;
  • à une disposition formelle de droit judiciaire (p.ex. : non-respect des exigences de forme substantielles) ;
  • aux principes généraux du droit (p.ex. : principe de bonne administration).

L’utilisation par l’administration d’une preuve obtenue illégalement ne doit pas être écartée d’office. Elle ne sera exclue que dans les cas suivants :

  • lorsque le législateur prévoit des sanctions particulières ;
  • si les moyens de preuve ont été obtenus d’une manière qui est tellement contraire à ce qui est raisonnablement attendu d’une autorité agissant correctement que cette utilisation doit, en toutes circonstances, être considérée comme étant in­admis­sible ;
  • si cette utilisation met en péril le droit du contribuable à un procès équitable.

Lors du contrôle effectué à la lumière des principes de bonne administration et du droit à un procès équitable, le juge peut notamment tenir compte d’une ou de plusieurs des circonstances suivantes (application de la jurisprudence « Antigone » en matière fiscale) (Cass., 22.05.2015 ; Cass., 10.02.2017) :

  • le caractère purement formel de l’irrégularité ;
  • sa répercussion sur le droit ou la liberté protégés par la norme transgressée ;
  • le caractère intentionnel ou non de l’illégalité commise par l’autorité et la circon­stance que la gravité de l’infraction excède de manière importante l’illégalité commise.

Précisions a. La jurisprudence « Antigone » ne permet pas de poursuivre une procédure dont les règles de recevabilité n’ont pas été respectées (Cass., 19.01.2016).

b. Si la preuve obtenue illégalement l’a été par un tiers, il est généralement admis qu’elle doit être exclue lorsque ce dernier avait pour objectif de l’utiliser en tant que preuve. En effet, dans un tel cas, il existe un lien entre l’illégalité commise pour entrer en possession de l’élément probant et sa remise aux autorités (Cass., 13.01.1999).

2. Force probante de la comptabilité

La comptabilité constitue le point de départ du calcul d’impôt, puisque la déclaration fiscale est elle-même basée sur celle-ci. Se pose alors la question de la valeur probante qu’il convient d’attacher à cette comptabilité.

Le code ne donne pas de définition d’une « comptabilité probante ». Il ne parle que de « livres et documents nécessaires à la détermination des revenus » (art. 315 CIR) ou d’« éléments probants » (art. 342, §1 CIR). Il n’est donc pas nécessaire, pour qu’une comptabilité soit admise comme suffisante en matière d’impôts sur les revenus, qu’elle réponde à toutes les exigences de la législation sur la comptabilité (Com. IR 340/6 ; Anvers, 08.11.2016).

L’administration fiscale considère qu’une comptabilité est probante (et lui est donc opposable) lorsque les trois éléments suivants sont réunis :

  • Les livres et les documents produits constituent un ensemble cohérent permettant de déterminer avec précision les revenus imposables ;
  • Toutes les écritures sont appuyées de pièces justificatives ;
  • Les pièces justificatives permettent de vérifier si les chiffres comptabilisés corres­pondent à la réalité (Com. IR 340/7).

La jurisprudence confirme ce point de vue en ce qu’elle estime qu’une comptabilité est probante (et opposable à l’administration) lorsqu’elle présente un ensemble d’éléments cohérents et précis, fondé sur des pièces probantes contrôlables, permettant la démonstration du chiffre exact des revenus ou des pertes (Liège, 19.01.2011 ; Bruxelles, 12.01.2001 ; Anvers, 24.02.2015).

Précisions a. Sur le plan fiscal, les lacunes ou irrégularités constatées dans une comptabilité ne lui font perdre son caractère probant que si elles ont (ou peuvent avoir) une incidence (directe ou indirecte) sur le montant des revenus imposables (Com. IR 340/17).

b. Les comptes annuels approuvés par l’assemblée générale d’une société la lient de façon irrévocable, sauf erreurs et inexactitudes matérielles, mais ne lient pas l’administration. Celle-ci peut toutefois, si elle le juge utile, s’en prévaloir contre la société (Com. IR 340/31).

C’est à l’administration qu’il appartient de démontrer le caractère non probant de la comptabilité, sauf en cas de taxation d’office.

Précisions a. L’administration ne peut se fonder sur le résultat de la comparaison avec des contribuables similaires pour apporter la preuve de l’irrégularité de la comptabilité présentée par le contribuable (Cass., 12.11.1980 ; Mons, 03.10.2003).

b. Les éléments suivants ont été pointés par la jurisprudence comme étant révélateurs de comptabilité non probante : absence de livre de caisse, libellé imprécis des recettes (factures non détaillées), inventaire dressé sur feuilles volantes (Liège, 12.09.2003) ; caractère non contrôlable de la comptabilité suite à une inscription journalière des recettes sans aucune pièce ou indication complémentaire (Anvers, 24.02.1998) ; absence d’inventaire (Bruxelles, 12.01.2001) ; journal des recettes non étayé par des justificatifs de sorte qu’un contrôle par jour est impossible (Anvers, 10.05.2006).

3. Présomptions

a. Généralités

La preuve par présomption implique un raisonnement par lequel, en partant de faits connus et vérifiés, on arrive à tenir pour certains d’autres faits qui étaient inconnus (art. 1349 C. civ. ; Com. IR 340/37).

Précision Les présomptions sont régulièrement utilisées par l’administration en cas de rectification de la déclaration ou de taxation d’office.

Fait connu : Il s’agit d’un fait qui existe incontestablement ou dont la réalité matérielle ne présente aucun doute (Cass., 20.10.1995).

Le fait qu’il s’agisse ou non d’un fait connu peut prêter à discussions. Un fait de notoriété publique ou connu de science personnelle ne répond pas à cette définition (Cass., 23.01.2004 ; Com. IR 340/60).

Précisions a. Les pièces établies unilatéralement par des tiers (listings TVA, fiches, données provenant de la comptabilité de tiers, etc.) peuvent être considérées comme des faits connus, lorsqu’il est établi, après vérification, que leur véracité ne peut pas être mise en doute.

b. Les plaintes (p.ex. d’anciens travailleurs, d’ex-conjoints, de concurrents, etc.) et les données provenant de réseaux sociaux (p.ex. Facebook) ne sont pas des faits connus, mais elles peuvent mener l’administration à se lancer dans la recherche de données probantes, et donc au final à la découverte de preuves irréfutables (Cass., 14.03.1961).

On distingue deux sortes de présomptions (Com. IR 340/37).

D’abord, les présomptions de l’homme (ou présomptions du fait de l’homme), c’est-à-dire celles qui découlent d’un raisonnement de l’administration ou du juge.

Ensuite, les présomptions légales, c’est-à-dire celles qui résultent d’un raisonnement établi par la loi. En matière fiscale, ces présomptions sont les suivantes :

  • la taxation indiciaire ;
  • la taxation par comparaison ;
  • la taxation sur des bases forfaitaires.

Cascade de présomptions : Une présomption ne peut constituer le fait connu sur lequel pourrait se fonder une nouvelle présomption. On ne peut de la sorte établir une cascade de présomptions s’appuyant l’une sur l’autre, car cela mènerait à des conclusions irréalistes et cela mettrait les principes de légalité et de réalité applicables au droit fiscal en danger (CA, 18.04.2001).

b. Taxation sur la base de présomptions de l’homme

Les présomptions de l’homme sont les conclusions que l’administration ou le juge déduit d’un fait connu, au sujet d’un fait inconnu (art. 1349 et 1353 C. civ.).

Il s’agit, pour l’administration, de déduire de faits connus et certains, le fait inconnu qu’elle veut établir, au moyen d’un raisonnement logique (Com. IR 3440/64).

Précisions a. En l’absence d’une disposition dérogatoire prévue par le CIR, les règles applicables sont celles du droit commun (Com. IR 340/55).

b. Il n’est pas requis que les présomptions qui sont déduites des faits constatés découlent nécessairement de ces faits. Il suffit qu’elles puissent en découler (Cass., 22.03.2001).

c. L’administration ne peut se fonder sur des normes standards dont l’applicabilité au cas d’espèce n’est pas établie (Anvers, 02.02.2016).

d. Un fait de notoriété publique, une vraisemblance, un usage ou une opinion personnelle ne peuvent pas être assimilés à des faits connus (Com. IR 340/60).

Les présomptions de l’homme doivent revêtir certaines caracté­ristiques. Elles doivent être (art. 1353 C. civ. ; Com. IR 340/57) :

  • graves, c’est-à-dire suffisamment fortes pour emporter la conviction ;
  • précises, c’est-à-dire que le fait inconnu doit être en liaison directe avec les faits connus dont ils sont induits (Cass., 04.03.1973) ; et
  • concordantes, c’est-à-dire qu’elles ne doivent pas nécessairement être multiples mais que, lorsqu’il y en a plusieurs, elles doivent être concordantes (Cass., 30.01.1962).

Le pouvoir d’appréciation appartient au juge du fond (Com. IR 340/57). C’est lui qui constate souverainement l’existence des faits sur lesquels il se fonde. Les consé­quences qu’il en déduit à titre de présomption de l’homme sont abandonnées à ses lumières et à sa prudence (Cass., 22.03.2001).

La preuve contraire peut être rapportée par le contribuable en opposant aux présomptions invoquées par l’administration des éléments concluants (Com. IR 340/69). Cela peut être fait en démontrant que le moyen de preuve est basé sur des faits non constatés, ou qu’une déduction n’est pas justifiée.

c. Taxation sur la base de signes et indices

L’estimation de la base imposable peut être effectuée sur la base de signes et d’indices qui indiquent un degré de solvabilité plus élevé que celui mentionné dans la déclaration (art. 341, al. 1 CIR).

Précisions a. Par signes et indices, on vise les dépenses, investissements et accroissements de patrimoine constatés au cours de la période imposable (Cass., 26.04.2001).

b. L’objectif de cette imposition est de permettre à l’administration de disposer d’éléments pour l’imposition de redevables dont les déclarations comportent un montant de revenus inférieur à celui que fait présumer leur train de vie (Com. IR 341/2).

c. L’administration n’est pas obligée de prouver l’inexactitude des revenus déclarés. Le recours à la procédure de rectification d’après des signes ou indices n’est donc pas exclu même lorsque le contribuable produit une comptabilité régulière (Com. IR 341/41).

d. Les signes et indices ne doivent pas être basés sur des présomptions, mais sur des faits concrets constatés.

e. Aucun frais ne peut être porté en déduction de revenus constatés d’après des signes et indices.

Bien que ce mode de taxation soit en principe applicable tant pour les personnes morales que pour les personnes physiques, en pratique, il est utilisé presque exclusivement pour ces dernières.

C’est à l’administration qu’il revient de rassembler des éléments permettant de présumer un degré de solvabilité plus important. Elle doit par ailleurs fournir la preuve que ce manque indiciaire relève d’une catégorie de revenus bien précise.

Le contribuable peut ensuite en fournir la preuve contraire en démontant que :

  • il n’a pas exposé les dépenses en question ;
  • ces dépenses ont été financées par des tiers ;
  • ces dépenses ont été financées au moyen de revenus déclarés ou non imposables ;
  • les indices ou certaines d’entre eux ont été constatés de manière arbitraire ou exagérée.

Précisions a. Les preuves contraires possibles sont celles qui établissent une donation, un héritage, une vente d’actifs mobiliers ou d’instruments financiers, un prélèvement en compte courant, la perception de loyers, etc.

b. Pour estimer le coût d’un train de vie, l’administration peut se baser sur un montant égal au « minimex » ou aux sommes insaisissables, sauf s’il existe des indications d’après lesquelles le niveau de vie réel est supérieur à ce minimum (Cass., 27.04.2017).

d. Taxation par comparaison

La base imposable d’un contribuable percevant des bénéfices ou des profits peut, à défaut d’éléments probants, être déterminée par l’administration eu égard aux bénéfices ou aux profits normaux d’au moins trois contribuables similaires (art. 342, §1 al. 1 CIR).

L’évaluation des revenus imposables par voie de comparaison constitue un mode de preuve expressément prévu par la loi fiscale (art. 342 CIR).

S’agissant d’une présomption légale, le juge doit se limiter à apprécier si les condi­tions d’application de la disposition (absence de documents probants, nombre et similarité des points de comparaison, caractère normal des bénéfices ou des profits des contribuables similaires) ont été respectées. Dans l’affirmative, la présomption s’impose au juge, il ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation (Com. IR 342/3).

Conditions d’application : C’est à l’administration d’établir, par un des moyens de preuve mis à sa disposition, l’absence d’éléments probants ou le caractère non probant des éléments produits par le contribuable (Anvers, 06.05.1991). L’administration s’attaque le plus souvent à la comptabilité des personnes visées.

Cette preuve doit être apportée avant que n’intervienne la taxation, et non ultérieure­ment (Bruxelles, 21.02.2003).

Redevables similaires : Pour qu’il y ait similitude entre contribuables, il suffit que la comparaison soit faite eu égard aux bénéfices normaux d’au moins trois contribuables exploitant une entreprise du même genre, offrant des points de similitude suffisants (Cass., 28.01.1982). La loi n’exige pas qu’il y ait une identité complète ou une similitude absolue qui, dans la pratique, n’existe quasiment jamais (Bruxelles, 15.05.1990).

En l’absence de comptabilité probante, le fisc peut imposer un indépendant en nom personnel ou une société par comparaison avec trois contribuables similaires. Il enjoint lui-même à ses contrôleurs, dans son «commentaire» du code, de «veiller à apporter dans leurs taxations une technique sûre et raisonnée» (Com. IR, 342/17). Il a une certaine liberté dans le choix de ces contribuables, mais sans pour autant pouvoir sélectionner d’abord ceux qui présentent la marge bénéficiaire qu’il désire avoir, puis seulement rechercher les points de comparaison (Anvers, 23.04.2024).

Éléments de base de la comparaison : La comparaison doit porter sur les bénéfices normaux des contribuables similaires.

L’administration a l’obligation de baser l’imposition sur des éléments concrets (Com. IR 342/0), notamment en tenant compte, suivant le cas, du capital investi, du chiffre d’affaires, du nombre d’ouvriers, de la force motrice utilisée, de la valeur des terres exploitées, ainsi que de tous autres renseignements utiles.

Le juge du fond apprécie souverainement, en fait, la pertinence et la valeur probante des points de comparaison choisis par l’administration (Cass., 28.01.1982).

Preuve contraire : Lorsque l’administration a déterminé les bénéfices imposables par comparaison, le contribuable est tenu, pour combattre cette preuve, d’apporter des éléments positifs et contrôlables (Com. IR 342/30).

e. Taxation sur bases forfaitaires

À défaut d’éléments probants, l’administration peut, pour la détermination de la base imposable, utiliser les bases forfaitaires de taxation établies en accord avec les groupements professionnels intéressés (art. 342, §1, al. 2 CIR).

Le contribuable peut refuser l’application des barèmes d’imposition, à condition d’apporter la preuve qu’une dérogation s’impose, en produisant des éléments positifs et contrôlables révélant des conditions exceptionnelles d’exploitation (Mons, 15.05.1992).

Précisions a. Il s’agit en fait d’une forme spécifique de taxation par comparaison.

b. En cas de taxation d’office, l’impôt peut être établi sur la base de bénéfices forfaitaires minimums.